Que penser de la publicité native ? Cette forme de publicité serait apparue aux Etats-Unis en 2012 (on parlait alors de « Native advertising ») pour débarquer en France en 2013. Il s’agit de diffuser des publicités qui ne ressemblent pas à des publicités ; surtout sur Internet mais les autres supports de communication seraient en train de s’y mettre. Bonne ou mauvaise pratique ? Réelle nouveauté ou simple refonte esthétique d’un concept existant de longue date ?
Exemple de publicité native avec le Gorafi, sur Twitter
Mettons les pieds dans le plat… A quoi ça ressemble une publicité qui n’en est pas une ? Exemple issu du compte Twitter du Gorafi, célèbre pour ses « fake news » humoristiques.
Donc il s’agit simplement d’intégrer une publicité (ici pour le produit Chipster de la marque Belin) au format habituel et avec la tonalité éditoriale traditionnelle du support. Dans notre exemple, ça ressemble à une publication Twitter classique du Gorafi (fake news + humour) mais c’est une publicité. C’est clairement indiqué en début de post (#Sponsorisé) mais il s’agit bien d’une publication Twitter, pas d’une publicité Twitter (voir ci-dessous un exemple de publicité au format Twitter).
C’est exactement pareil sauf que l’indication « Sponsorisé » est placée sous le post au format défini par Twitter. La publicité a donc ici, pour le compte de Vimeo, été réalisée avec l’outil de création publicitaire de Twitter (plus puissant en termes de ciblage, avec une gestion financière de la diffusion etc…). A l’inverse du post du Gorafi qui est une publication normale intégrant un message publicitaire. Le post du Gorafi sera donc plus difficile à paramétrer et « tracker » sur un plan publicitaire (il existe toutefois des outils externes à Twitter pour faire ça bien) mais il s’intègre un tout petit mieux au paysage en prenant la forme d’une publication éditoriale et non d’une publicité.
Si une publicité native c’est pareil qu’une publicité traditionnelle, pourquoi font-ils ça ?
Parce que les statistiques font mal : les publicités sur Internet sont de moins en moins cliquées. Les gens apprennent très vite à les repérer et leur oeil finit pas les zapper très rapidement même si l’image ou le message est surpuissant. En gros nos cerveaux disent : « C’est une pub, je zappe et me concentre sur le reste ». 10% des bannières publicitaires étaient cliquées sur le Web en 2000, seulement 1% en 2014. Et ça ne va pas en s’améliorant…
Il faut donc tromper le consommateur. Certains diront qu’il ne s’agit pas de le tromper mais bien de lui proposer quelque chose de plus intéressant que de la publicité, de moins « intrusif » aussi. Une « expérience utilisateur » (je vous ai déjà parlé du fameux terme « UX », non ? « User eXperiment ») proche de ses attentes et de son mode de vie. Oui mais avec un acte de consommation en bout de course, on est d’accord ? Donc on pourrait résumer la publicité native comme une publicité plutôt fine qui prend un peu moins les consommateurs pour des cons. OK on progresse.
En tant que professionnel de la communication, j’avoue que je préfère travailler sur ce types d’annonces. Reste à convaincre les directeurs de la communication que c’est autant pour leur bien que pour celui du consommateur et du publicitaire. Pas gagné… Quand on voit la pub Belin sur Twitter on se dit qu’il y a encore du chemin à faire en termes de finesse et d’expérience utilisateur. Le format est là mais l’esprit du Gorafi, sa finesse et son humour ont pris cher dans la bataille. Le packshot de la boîte de biscuits y est sans doute aussi pour quelque chose. Ah les compromis ! L’ennemi public numéro 1 du communicant. Mais l’ami imaginaire préféré du client…
Et qu’en pensent les journalistes ?
C’est là que ça pique un peu. A force de déguiser les publicités en contenus éditoriaux (ou en performances artistiques, en styles vestimentaires etc…), tout le monde finit par s’y perdre. De nombreux journalistes parlent d’un danger déontologie évident. On ne peut pas leur en vouloir. Certains publicités de ce type sont vraiment déroutantes car l’aspect mercantile est trop fin pour être perçu. Le placement du curseur publicitaire est donc primordial pour réussir son coup publicitaire sans offusquer la Presse. Pas simple. Mais faisable.
C’est un peu comme un article publié sur le Web et écrit par un journaliste sans se soucier de son référencement dans Google et le même article optimisé pour le référencement. Changer quelques mots par des synonymes plus stratégiques pour le référencement de l’article, ça passe (et ça peut même être bénéfique éditorialement) mais si on change le sens ou si on lasse le lecteur à force de répétitions, là on se plante. Clairement.
Avant d’inventer le terme de « publicité native » il y avait aussi :
- Le publi-communiqué (ou publireportage ou publi-rédactionnel), surtout utilisé en Presse (magazines) : l’ancêtre de la publicité native. On dirait un article pour un shampoing révolutionnaire mais non, c’est une publicité déguisée (c’est marqué en petit dans un coin si vous fouillez bien).
- Le placement de produit dans un film (rappelez-vous de Will Smith chaussé d’une paire de Converse All Stars et pilotant son Audi futuriste dans I-Robot).
- Le placement de produit de façon plus générale : vêtements, accessoires, cosmétiques… Les footballeurs et leurs casques audio Beat par exemple. Ou les skieurs et leurs Skis Rossignol sur le podium. On pourrait aussi simplement parler de sponsoring dans ces cas.
- Le lien sponsorisé… Là on est à 100% dans le Web. Le lien sponsorisé existe depuis que les moteurs de recherche existent. Fait un lien sur ton site (ou ton blog) vers le mien et en échange je te paie ou je t’offre des cadeaux. On peut aussi échanger des liens : donnant-donnant.
- Le SEO (référencement), on vient d’en parler…
- Le film viral (toujours sur le Web). On diffuse sur les réseaux sociaux un film sans logo ni message publicitaire, un truc suffisamment hallucinant pour que ça se répande comme une traînée de poudre (l’effet viral facilité par les fonctions de partage/like des réseaux sociaux – le fameux « buzz »). Il suffit de signer discrètement en fin de vidéo avec un petit logo ou une adresse de site Web, mais là on se rapproche trop d’un publicité et ça peut nuire au succès de l’opération. Le mieux c’est de susciter une recherche d’information de la part des internautes (et des médias) suite au visionnage et au succès du film pour savoir qui en est l’auteur ou carrément de les aider en le révélant un peu plus tard. On peut aussi placer discrètement son produit dans le film (voir plus haut).
- Etc… Les exemples ne manquent pas.
Conclusion : encore un nouveau terme inventé par un marketeux, un communicant ou je ne sais quel journaliste pour présenter un concept vieux comme le monde mais remis au goût du jour. Rien de neuf donc. Pas d’inquiétudes. Vous pouvez dormir sur vos deux oreilles.